Lorsque l’on a commencé à s’occuper du vin, le monde du Champagne était profondément différent de celui que nous connaissons aujourd’hui. Dominée par les grandes et puissantes Maison, il avait un récit presque totalement détaché de celui du vignoble et renonçait à décrire les déclinaisons territoriales au profit des marques. À de rares exceptions près, le marché était inondé de cuvées : des assemblages de différents cépages et millésimes qui devaient donner un résultat final le plus homogène possible. Plus proche au « nez » qui crée les parfums qu'au vigneron, le “Chef de cave” était la figure au centre du projet : le deus ex machina chargé de « créer » un style et de le rendre reconnaissable à travers le temps.

Tout semblait aller de l’avant sans grandes secousses quand quelque chose d’inattendu s’est passée. L'arrivée sur scène du "récoltant manipulateur", un groupe de petits vignerons aguerri capables de modifier l'idée même de ce vin emblématique, a littéralement changé le cours de l'histoire du Champagne. Plus encore : on pourrait dire que nous sommes passés du « le » Champagne au singulier à « les » Champagne, exprimée de manière de plus en plus plurielle, hétérogène et différenciée. Une niche dont les numéros sont très réduits par rapport à ceux des Maisons, mais dont la portée est immense sur le plan stylistique, environnemental, géographique et dans un certain sens politique aussi. Une véritable révolution, que nous aimons décrire comme le concept de Champagne 3.0, passionnante pour nous et capable de nous entraîner dans la plus profonde investigation au cœur du projet Les Bulles.

Le résultat est un monde coloré et onirique, animé par de petits vignerons qui interprètent leur travail avec passion, sensibilité et vision. La sélection s'est faite avec eux et pour eux. Dans le vignoble, ils ont une approche totalement différente de celle du passé : ils suivent pour la plupart les principes de l'agriculture biologique ou biodynamique et en dans tous les cas ils sont très attentifs au développement durable et au respect de la nature. L'origine des raisins est également très importante, à l'avantage d'identifier des Champagnes qui respirent l'âme du terroir.

Même dans les autres procédés en caves, ils suivent la piste artisanale, au nom d'interventions de plus en plus respectueuses du caractère des raisins et de la saveur des vins : pas de chaptalisation des moûts et faibles dosages finaux, fermentations spontanées, utilisation des vins de réserve (pas si rare la méthode solera), moins de pression dans la bouteille pour un perlage plus crémeux et plus équilibré, utilisation de différents récipients pour le vieillissement des vins de base (fûts en bois, œufs en ciment, amphores, etc.).